Les obligations juridiques des médecins

LES OBLIGATIONS JURIDIQUES DU MEDECIN

Voici le premier article consacré aux obligations juridiques des médecins.

Il sera consacré à :

- L'information et les soins aux patients mineurs

- Quelques réflexions sur la rédaction des certificats médicaux dans le cadre des conflits familiaux

- La conservation des dossiers médicaux

- La transmission des dossiers médicaux

- Le Signalement

- Les CRCI ( commissions régionales de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux)

1- L'INFORMATION ET LES SOINS AUX PATIENTS MINEURS

Il s'agit ici, non pas d'une relation singulière entre patient et médecin mais d'un colloque entre enfant,parents et praticien.

- L'INFORMATION AU PATIENT MINEUR

Les titulaires de l'autorité parentale doivent recevoir l'information mais, grâce à la loi du 04/03/2002 , le mineur doit également pouvoir en bénéficier:le médecin devra donc lui adapter son discours en fonction de son âge et de son degré de maturité

- LE CONSENTEMENT AUX SOINS

Le consentement du mineur doit être systématiquement recherché si il est apte à comprendre l'information et à exprimer sa volonté;même si il est censé être juridiquement incapable de donner valablement son consentement.

Par principe,l'autorité parentale est exercée conjointement par les deux parents : en cas d'intervention bénigne ou de soins médicaux courants,il suffit de l'accord d'un des deux parents ,mais dans les autres cas,le consentement des deux est requis.

Le plus souvent le consentement oral est suffisant sauf dans les cas de soins non courants où il est recommandé d'obtenir un consentement écrit

En cas d'urgence,si le consentement des parents ne peut être recueilli, le médecin peut se passer de cette autorisation mais il pourra être amené à prouver toutes ses démarches de recherche de consentement entreprises

Si les parents refusent des soins indispensables à l'enfant,le médecin peut outrepasser le refus mais devra prouver avoir essayé par tous les moyens d'obtenir le consentement et, en cas d'échec,avertir le Procureur de la République de permanence

Si l'enfant accepte les soins et que les parents les refusent,c'est la volonté de l'enfant qui prime

mais le médecin doit demander à l'enfant de se faire accompagner de la personne majeure de son choix et doit convaincre le mineur d'informer ses parents ou si il ne le veut pas recueillir par écrit son opposition à informer ses représentants légaux

2- QUELQUES REFLEXIONS SUR LA REDACTION DES CERTIFICATS DANS LE CADRE DES CONFLITS FAMILIAUX

« Le médecin ne doit pas s'immiscer sans raison professionnelle dans les affaires de famille ni dans la vie privée de sespatients »

Le médecin ne doit jamais remettre de certificat médical à un tiers, quel qu'il soit

De plus il ne peut jamais certifier que ce qu'il a constaté

Il n'est pas possible non plus de rédiger un certificat attestant que les enfants sont perturbés par un membre de la famille

La rédaction d'un certificat n'est jamais obligatoire : tout médecin peut refuser d'en délivrer un ..

3- DE LA CONSERVATION DES DOSSIERS MEDICAUX

La législation en vigueur ne détermine aucun délai précis quant à la conservation des dossiers médicaux détenus par les médecins libéraux ( alors qu'un délai de 20 ans s'impose aux établissements de santé)

Mais la conservation d'une durée optimale à un triple intérêt :

- LA CONTINUITE DES SOINS AUX PATIENTS

Dans ce cadre, en cas de cessation d'activité sans successeur,le médecin doit rapidement informer ses patients de celle-ci et transmettre leur dossier au confrère de leur choix;les dossiersnon réclamés doivent être remis à un confrère et le Conseil de l'Ordre tenu informé de cettedestination

-LA TRANSMISSION EN CAS DE DEMANDE DU PATIENT OU D'UN AYANTDROIT

- UN MOYEN DE PREUVE EN CAS DE PROCEDURE CIVILE

Pendant longtemps l'archivage conseillé était de 30 ans mais la loi du 04/03/2002 a modifié la prescription à 10 ans;cependant ce nouveau délai de prsecription ne court que pour les actes réalisés à compter du 05/03/2002.

A noter que le point de départ de ces 10 ans est la date de consolidation du dommage et non celle de sa constatation

Les médecins libéraux ont donc intérêt à s'aligner sur le délai minimal imposé aux établissements de santé

20 ans constitue donc une durée minimale conseillée de conservation des archives

Par ailleurs,dans le cas particulier des mineurs,s'ajoute à ce délai ,les années allant de la date des soins jusqu'à la majorité de celui-ci.

4- DE LA TRANSMISSION DES DOSSIERS MEDICAUX

La loi du 04/03/2002 instaure la possibilité de la communication directe du contenu de son dossier médical au patient qui en fait la demande

- QUELLES INFORMATIONS ?

Les informations devant être délivrées sont toutes celles ayant contribué à l'élaboration du diagnostic et celles relatives aux traitements institués ainsi que les données des résultats d'examen et les différentes correspondances entre professionnels de santé.Les notes personnelles du médecin (à usage strictement privé)n'ont pas à être communiquées ....

QUEL EST LE DEMANDEUR POTENTIEL ?

- Le malade lui-même

- Son représentant légal si il est mineur ou incapable

- Ses ayants-droits en cas de décès sauf si le patient s'y est expressément opposé de son vivant

De plus les ayants-droits n'ont accès qu'aux seuls éléments du dossier nécessaires à la réalisation de leurs objectifs(défense de la mémoire du défunt,volonté de connaître la cause du décès ou droits à faire valoir)

- Les médecins des autorités administratives( affaires sociales,santé publique,organismes d'assurance maladie)

- Le dossier peut aussi être communiqué aux CRCI.

Par contre le médecin de la compagnie d'assurance n'a pas droit à l'accès direct au dossier.

FORME DE LA DEMANDE ET DELAI DE COMMUNICATION ?

La demande doit être adressée par écrit

- Et la transmission du dossier se faire dans les 8 jours suivant sa réception(sauf en cas de dossier psychiatrique ou datant de plus de 5 ans)

- LES EXCEPTIONS A LA TRANSMISSION DIRECTE ?

- L'hospitalisation psychiatrique

- Le Mineur :

Les mineurs peuvent s'opposer à l'accès total ou partiel de leur dossier:ils ont droit au secret sur leur état de santé

Le médecin devra cependant essayer de les convaincre d'autoriser cette transmission aux titulaires de l'autorité parentale et en cas de refus réitéré le médecin devra le consigner par écrit.

- Le Majeur sous tutelle :

son consentement devra également être systématiquement recherché;cependant le majeur sous tutelle ne peut obtenir directement communication de son dossier:le tuteur est le seul à pouvoir disposer de ce droit

- QUELLE TARIFICATION ?

La consultation du dossier sur place est gratuite

En cas de délivrance de copie ne peuvent être demandés que les frais de reproduction et d'envoi des documents

Le dossier remis au patient ne sera jamais l'original car le médecin en est dépositaire

5- LE SIGNALEMENT

Le signalement est « un écrit objectif comprenant une évaluation de la situation d'un mineur ou d'une personne qui n'est pas en mesure de se protéger, présumé en risque de danger ou en danger, nécessitant une mesure de protection administrative ou judiciaire »

Le médecin a , dans ces cas,un devoir d'alerte,sauf circonstances particulières qu'il apprécie en conscience

Le médecin, dans le cadre d'un signalement,est partagé entre deux invectives :

RESPECTER LE CODE DE DEONTOLOGIE

En effet celui-ci stipule que le médecin est le « défenseur de l'enfant »

Donc si il discerne que son patient est victime de sévices ou de privations,il doit mettre en oeuvre les moyens adéquats pour le protéger tout en faisant preuve de prudence et de circonspection;notamment en alertant les autorités judiciaires,médicales ou administratives

Donc le signalement s'impose sous peine d'une sanction déontologique

RESPECTER LE CODE PENAL

Le code pénal s'oppose à la révélation en stipulant l'obligation au secret professionnel

Mais il y a des exceptions à cette obligation au secret:

La dénonciation auprès des autorités peut être effectuée par tout soignant :

- avec l'accord de la victime

- voire sans l'accord de celle-ci si la victime est un mineur ou une personne qui n'est pas en état de se protéger en raison de son âge ou de son incapacité physique ou psychique

Rappelons que la majorité sexuelle est fixée à 15 ans et donc,qu'en cas d'agression sexuelle,l'accord de la victime mineure est nécessaire si celle-ci est âgée de plus de 15 ans

AINSI LES POSSIBILITES DE TRANSGRESSION DU SECRET MEDICAL EXISTENT

DES LORS QUE LE TEXTE LEGISLATIF L'IMPOSE.

Dans les cas énoncés ci-dessus l'absence de signalement peut donc être qualifié de non assistance à personne en danger

6 - LES CRCI

Commissions régionales de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux

Créées par la loi du 04/03/2002 elles permettent la mise en place d'une procédure non contentieuse d'indemnisation des accidents médicaux fautifs ou non-fautifs

PROCEDURE GRATUITE où le recours à un avocat n'est pas imposé

PROCEDURE RAPIDE : 11 mois entre le dépôt de la saisine et le versement des fonds

COMPOSITION : Un président( magistrat de l'ordre administratif ou judiciaire) 21 membres ( représentants des usagers,des professionnels de santé,des établissements de santé, de l'ONIAM ...) nommés pour 3 ans , renouvelable

Oniam = organisme national d'indemnisation des accidents médicaux

MISSION :

Mission de règlement amiable puis de conciliation

DEROULEMENT DE LA PROCEDURE :

1- Saisine de la Commission

- Constitution et dépôt du dossier

- La CRCI doit ensuite apprécier sa compétence :

territoriale,selon la date de réalisation des soins et la gravité du dommage

- Si la CRCI se déclare compétente elle diligente une expertise confiée à un expert figurant sur la liste nationale;après résultat de l'expertise elle se réunit et délibère

2 Avis de la CRCI :

Adoptée à la majorité des membres présents

L'avis est rendu dans les 6 mois de la saisine

Il y a 3 sortes d'avis :

- Dommage non imputable à l'accident médical= rejet de la demande

- Dommage imputable à un accident médical fautif : l'avis est adressé à l 'assureur du professionnel de santé

- Accident médical non fautif : ceci ouvre droit à la solidarité nationale

3- Phase d'indemnisation

- Avis adressé à l'assureur:celui-ci a un délai de 4 mois pour faire une offre d'indemnisation : si la victime accepte cette offre,l'indemnisation prend la forme juridique d'une transaction et le paiement doit avoir lieu dansle mois qui suit;si la victime refuse cette offre elle peut alors saisir le juge compétent qui devra apprécier la suffisance ou l'insuffisance de l'offre

- Avis adressé à l'ONIAM : les mêmes délais devront être respectés mais il n'y aura pas de pénalité si l'offre paraît insuffisante ; l'ONIAM est seule compétente sur l'indemnisation et sur son montant.Ens cas de contestation sur le caractère fautif ou non de l'accident médical,l'assureur et l'ONIAM peuvent recourir l'un contre l'autre ...

Dr Sophie Jeanneteau-Verdeaux